Si le Sud de la Thaïlande recèle des plages paradisiaques léchées par une mer limpide qui abrite une myriade de poissons multicolores à observer en plongée ou avec un simple masque et un tuba, c’est dans le Nord du pays qu’il est plus aisé pour un touriste de rencontrer la culture thaïe qui, loin d’être figée, continue à vibrer. Participer à une festivité, c’est s’offrir un plongeon inédit dans une civilisation fascinante. Les hasards de l’histoire ont permis à cet état de ne jamais être colonisé et cela change tout. Le peuple thaï est resté, au travers des siècles, le réceptacle d’un héritage culturel où mythes, croyances et traditions lui dictent un sourire éternel, des gestes réservés et des paroles toujours courtoises. A l’image des milliers de statues de Bouddhas qui, avec leur sourire énigmatique et leurs poses retenues, convient tout un chacun sur les chemins de la félicité.
Le festival des Lumières.
La tradition du Loy Krathong est sans aucun doute la plus belle à partager avec le peuple Thaï. Cette coutume est née au 13ème siècle à Sukhothaï, quand la concubine du roi eut l’idée de fabriquer une lanterne flottante en forme de fleur de lotus. Depuis, la pratique s’est étendue à tout le pays et principalement dans le Nord, là où courent les rivières.
La nuit de la pleine lune du 12ème mois du calendrier lunaire, qui correspond généralement au mois de novembre, l’affluence sur les berges des fleuves est grande pour célébrer la fin de la saison des pluies et honorer les esprits de l’eau dont le rôle est significatif pour le pays. Chacun dépose son offrande qui prend l’apparence d’un frêle esquif construit avec une feuille de bananier dont la forme évoque la fleur de lotus. On y place une bougie vacillante, des bâtons d’encens, des fleurs et même une pièce de monnaie. En lâchant ces petits radeaux sur l’eau, tous formulent des vœux et ils espèrent éloigner ainsi les soucis du quotidien. On dit que si la flamme de la bougie reste allumée jusqu’à ce que la petite embarcation soit hors de vue, elle réalisera le souhait. Quoiqu’il en soit, le spectacle de ces milliers de lanternes flottantes qui illuminent la nuit a quelque chose de magique.
L’agitation qui précède la nuit du Loy Krathong participe de la fête. Des cantines ambulantes s’installent sur les trottoirs avec un équipement de cuisine minimaliste, quelques tables et des tabourets. En quelques minutes, les femmes préparent un plat authentique savoureux : une soupe aux crevettes parfumée à la citronnelle, du riz sauté au porc et au gingembre ou encore du riz gluant nappé de lait de coco et de fines lamelles de mangue… Aux abords du fleuve surgissent des vendeurs de krathongs, des plus sophistiqués aux plus simples, il y en a pour toutes les bourses et certains sont de véritables petites œuvres d’art éphémères.
A Chiang Mai, la fête est encore plus belle car la coutume veut que l’éparpillement des radeaux scintillants sur le fleuve Ping s’accompagne d’un lâcher d’une multitude de lanternes construites en papier de riz. Comme pour les montgolfières, une torche est allumée sous les lanternes qui, gonflées d’air chaud, s’envolent haut dans le ciel qu’elles illuminent comme autant d’étoiles filantes. Une fête qui se poursuit au bout de la nuit après une parade dans les rues de la vieille ville. Des dizaines de chars bariolés couronnés par des jeunes gens, tous plus gracieux les uns que les autres, rivalisent de décors et de lumières. Les rues et les façades des maisons sont également enjolivées de quinquets multicolores. Explosion de formes et de couleurs, de parfums et de saveurs, une ambiance à la fois gaie et fervente que chacun fixe sur le petit écran de son gsm. C’est ainsi que le peuple thaï parvient à faire le grand écart entre la tradition et la modernité…
Le paradis bouddhiste sur terre.
Les temples ont de quoi émerveiller le voyageur. Une architecture sophistiquée, une ornementation exubérante, l’éclat des ors et surtout, la sérénité et la profonde spiritualité qui se dégage des lieux. Ouverts à tous, on y croise chaque jour de nombreux fidèles qui viennent s’y recueillir un instant. Autant de lieux ouverts et conviviaux où les moines prônent une vie en paix et en harmonie avec les proches mais aussi avec la communauté des êtres vivants, qu’il s’agisse d’animaux ou de plantes. Aucune rigidité dans la dévotion à Bouddha en Thaïlande. On lui fait le wai, mains jointes à hauteur de visage, on le couvre de paillettes d’or à deux sous achetées dans les temples, on dépose des figurines naïves à ses pieds.
Le plus surprenant encore pour l’étranger, c’est que tous les temples ne sont pas anciens comme on pourrait l’imaginer. A une dizaine de kilomètres au sud de Chiang Rai, dans le nord du pays, se dresse le Wat Rong Khun, plus communément appelé le Temple Blanc. En effet, en rupture totale avec les autres temples, il est d’une blancheur étincelante, incrusté de surcroît de milliers de fragments de miroirs qui contribuent à plus d’illumination encore. Cette construction moderne et exubérante est loin d’être finalisée, à l’image de la Sagrada Familia de Gaudi à Barcelone. A l’intérieur, les fresques murales mêlent des symboles bouddhistes et des versions édulcorées de notre monde contemporain, avec des images surprenantes de Ben Laden et de G.W.Bush, de Spiderman et de Batman, visions naïves où s’affrontent la spiritualité paisible orientale au chaos de la surconsommation et de la modernité à outrance. Ce site scintillant attire des foules recueillies qui n’hésitent pas à laisser leur obole pour que puisse se poursuivre ce tribut offert à la pureté du bouddhisme.
La même dévotion se retrouve ailleurs dans le pays, jusque dans les coins reculés. Un conseil : laissez pour la fin de votre séjour la visite des temples majeurs de Bangkok. Leur beauté est tellement spectaculaire et la ferveur des fidèles y est si intense, comme si la vie grouillante au cœur de la capitale obligeait à cette pause de recueillement pour mieux y survivre, que tous les autres temples du pays pourraient paraître ternes après ceux-ci. Le Wat Pho abrite la célèbre statue du Bouddha couché (45 mètres de long) entièrement recouverte de feuilles d’or. Autour du temple principal, deux galeries, où s’alignent pas moins de 400 bouddhas assis, offrent une ombre bienfaisante et appellent à la sérénité. Ici, on n’entend que des chuchotements pour ne pas rompre le recueillement des uns et des autres. A deux pas, le Wat Phra Kaeo, dans l’enceinte du palais royal, est une explosion de dorures, de faïences, de céramiques, de couleurs et de statuaires. Un feu d’artifice architectural qui donne le tournis au voyageur peu habitué à cette profusion qui encadre le temple principal où apparaît la minuscule statue du Bouddha d’émeraude, emblème royal de la dynastie, dont la taille atteint à peine 66 cm. Juchée sur un piédestal en or à près de 11 mètres du sol et sous un parasol doré à 9 étages comme le veut la coutume, elle a quelque chose de dérisoire qui sied bien à ce pays qui, décidément, multiplie les paradoxes aux yeux d’un Occidental.
Infos : www.tourismthailand.org
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
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J’ADORE; merci !